OMPI: Un instrument international pour la protection des ressources génétiques, des savoirs traditionnels et du folklore?

L’OMPI sur la voie d’un instrument international pour la protection des ressources génétiques, des savoirs traditionnels et du folklore.

21.07.11

Eugenia Olliaro (KEI)

Convoqué par le directeur général de l’OMPI, le comité intergouvernemental de la propriété intellectuelle relative aux ressources génétiques, aux savoirs traditionnels et au folklore (ci-après dénommé « comité ») [link to http://www.wipo.int/tk/fr/igc/ ] est dans sa dix-neuvième session à Genève, du 18 au 22 Juillet 2011. Près de 90 Etats et l’Union européenne et ses 27 Etats membres sont représentés en qualité de membres du comité ; des organisations intergouvernementales ainsi que des représentants des organisations non gouvernementales (ONG) participent en qualité d’observateurs. Le Président de cette session est l’Ambassadeur Philip Owade (Kenya). Ce comité — créé par l’Assemblée générale de l’OMPI en octobre 2000 (document WO/GA/26/6) — a engagé des négociations sur la base d’un texte, ceci en vue de parvenir à un accord sur un ou plusieurs instruments juridiques internationaux. Ceux-ci garantiront une protection efficace des savoirs traditionnels, des expressions culturelles traditionnelles ou expressions du folklore et des ressources génétiques. Ce projet a pour but de donner une protection supplémentaire aux communautés locales et peuples autochtones, qui ont été largement exploités dans le passé. Les Etats semblent s’investir, mais leurs divergences freinent le processus. Lentement mais surement, le comité pose les jalons de ce qui pourrait devenir un traité international protégeant les trois projets susmentionnés.

Résumé succinct des délibérations ayant eu lieu les 18 et 19 Juillet 2011 lors du Dix-neuvième Comité intergouvernemental de la propriété intellectuelle relative aux ressources génétiques, aux savoirs traditionnels et au folklore.

Après deux jours de délibérations houleuses, de nombreux délégués ont souligné le fait que, grâce à « une volonté politique positive », le travail du Comité permettrait d’aboutir à des objectifs généraux, et de déboucher sur des textes légaux quant aux ressources génétiques, aux savoirs traditionnels, et aux expressions culturelles traditionnelles, afin d’assurer la protection de ces trois projets.

Les délégués d’états étaient d’accord pour dire que la Conférence intergouvernementale (CIG) a progressé dans ses travaux au cours de ces deux dernières années, essentiellement dans le domaine des expressions culturelles et traditionnelles. Un retard subsiste néanmoins en matière de ressources génétiques, alors que les trois projets susmentionnés doivent, d’après un accord implicite, être traités de manière égale. A propos des progrès effectués, l’Australie a déclaré que pour développer un instrument International il existe un processus en trois étapes : discussions (développement de textes, identification des éléments de politique clés et des divergences) ; négociations (par rapport aux divergences clé et pour parvenir à des textes qui tiennent compte de cela) ; engagement (stade final avec consensus ferme pour s’engager). L’Australie a donc affirmé que la CIG a fait des progrès importants.

A part le mouvement indien Tupaj Amaru, tous les délégués ont exprimé des propos convergents concernant une éventuelle Conférence diplomatique à venir. Les textes n’étant pas arrivés à maturité, notamment à cause de certaines divergences persistantes au sein des états, les délégués ont fait une demande de renouvellement de mandat de la CIG — celle-ci arrivant à son terme. En effet, ils ont affirmé leur volonté de poursuivre les travaux afin d’assurer que ces trois questions leurs permettent de défendre les droits des créateurs et des utilisateurs. Pour les délégués cependant, un simple renouvellement de mandat ne serait pas suffisant : il semble crucial pour tous, du moins pour ceux ayant pris la parole, que le comité définisse précisément son programme de travail pour ce projet de biennium — lequel doit prévoir un nombre approprié de réunions spéciales/extraordinaires — afin que le nouveau mandat soit renforcé et que le travail progresse. Certains orateurs ont suggéré qu’il fallait un engagement plus actif de la part des Etats membres, et une activité plus intense au niveau régional. Pour des pays tels que la Thaïlande, la question à l’ordre du jour n’est d’ailleurs pas « allons nous renouveler le mandat de la CIG ? » mais « comment allons nous le renouveler ? ».

Comme indiqué précédemment, l’organisation Tupaj Amaru n’est pas satisfaite par la dilatation du processus de négociation, car elle voit en cela un moyen de laisser périr les communautés autochtones. Ainsi, ce mouvement indien sollicite une collaboration accrue des peuples autochtones, en demandant à l’Assemblée Générale que la participation et le statut juridique de ceux-ci soient ajoutés au sein de ce comité. L’IPCB (Indigenous Peoples Council on Biocolonialism) a par la suite soutenu cette position.

L’Indonésie, parlant au nom des « pays sympathisants » (« Like-minded Countries »), a souligné l’importance d’une certaine souplesse et sincérité de la part des pays, afin d’aboutir rapidement à un accord efficace et durable. L’Union Européenne, quant à elle, a plutôt mis l’accent sur l’importance d’obtenir un résultat de qualité, en réitérant donc la demande d’une extension du temps de travail à travers le renouvellement du mandat de la CIG. Outre cela, une divergence importante reste perceptible quant à la vision qu’ont les états à propos de la « forme » que le texte devra prendre. En effet, des pays comme Trinité et Tobago ont souligné que l’instrument devait être suffisamment souple et inclusif, alors que d’autres ont au contraire laissé entendre qu’un outil plus restreint était nécessaire.

Enfin, certains délégués tel que celui de la Namibie ont émis l’espoir d’aboutir un jour à un outil tenant compte de la diversité de ce village mondial, ainsi que le regret de n’avoir pas encore abouti à un instrument International, qui permettrait de mieux gérer les différents savoirs et ressources. Certains délégués ont aussi souligné que l’organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (OMPI) devait défendre les intérêts de toutes les nations et non pas ceux d’un groupe limité et privilégié.

Le délégué des Etats-Unis a ensuite posé une question importante : une conférence diplomatique suppose-t-elle qu’on aboutira à un traité ou à un accord ayant force de loi, ou bien une conférence diplomatique peut-elle siéger sans qu’on aboutisse à un instrument contraignant ? A quoi le conseiller juridique de l’OMPI a répondu, de manière succincte et précise, qu’à l’OMPI une conférence diplomatique est convoquée, en général, afin de négocier et adopter un traité. Quand il s’agit de traités non contraignants, l’OMPI n’a pas d’expérience dans la matière. Cependant, dans ce cas, il n’y aurait pas de conférence diplomatique, mais une résolution adoptée par l’Assemblée Générale. Les résolutions seraient reprises dans les législations nationales de chaque pays, c’est pourquoi il n’y aurait pas besoin d’une conférence diplomatique.

Pour ce qui est des positions des différents groupes de pays, elles sont tant unies sur certains éléments de la discussion, et tant divergentes sur d’autres.

L’Afrique du Sud a parlé au nom du groupe africain. Le délégué a rappelé que les négociations devaient déboucher sur des textes légaux pour les ressources génétiques (RG), les savoirs traditionnels (ST) et les expressions culturelles traditionnelles (ECT), et a réitéré sa confiance dans le comité qui, grâce à sa volonté politique, aboutira aux objectifs fixés. D’ailleurs, il a affirmé que le comité avait progressé dans cette tâche, notamment dans le domaine des ECT et des ST ; néanmoins, selon lui, un retard subsiste quant aux RG. De plus, il a indiqué que le groupe africain était favorable aux initiatives des LMC, et a déclaré que le mandat devait être renouvelé afin que les textes atteignent une certaine maturité ; pour cela, la CIG doit prévoir selon lui un calendrier précis suivant un programme de travail clair. Le groupe affirme vouloir s’engager de manière constructive dans le cadre du groupe de travail. Se sont ralliés aux déclarations de ce groupe l’Afrique du Sud, la Namibie, l’Egypte, l’Angola, le Nigéria, le Maroc, le Zimbabwe et la Zambie.

Dans la même lignée, les Etats-Unis, qui ont parlé au nom du groupe B, ont affirmé que le comité avait travaillé de manière efficace, mais que les textes n’étaient pas assez complets pour permettre la convocation d’une conférence diplomatique au courant de cette année. Le délégué à rappelé aussi que les trois projets devaient être traités de manière égale, et a souligné d’autre part que le calendrier des sessions à prévoir pour le nouveau biennium devrait être efficace — car plus de réunions ne signifie pas de meilleurs résultats. Ce groupe se dit également prêt à s’engager de manière constructive. Se sont ralliés aux déclarations de ce groupe les Etats-Unis et le Japon.

Ensuite, le Pakistan a parlé au nom du groupe asiatique. Comme les deux groupes précédents, le Pakistan a affirmé qu’il fallait poursuivre les travaux afin d’assurer que les trois projets permettent de défendre les droits des créateurs et des utilisateurs ; ainsi, le groupe asiatique est favorable à un renouvellement du mandat du comité pour un biennium 2012-2013, comprenant un nombre approprié de sessions spéciales, car le travail doit progresser. Se sont ralliés aux déclarations de ce groupe le Pakistan, la Thaïlande et le Bangladesh.

Puis la Slovénie a pris la parole au nom des états d’Europe centrale et des Etats baltes. De la même manière que les orateurs précédents, le délégué a commencé par souligner les progrès effectués, puis a attesté que le comité était sur la bonne voie. La Slovénie a aussi rappelé qu’il était important que les trois projets avancent ensemble.

Le Panama, au nom du groupe latino américain et des caraïbes, est resté dans le sillage des orateurs précédents et a soutenu le renouvellement du mandat afin d’atteindre des résultats effectifs. Selon ce groupe, il faut donc que la Conférence diplomatique se déroule non pas cette année, mais en 2013. Se sont ralliés aux déclarations de ce groupe le Panama, Trinité et Tobago, la Bolivie, la Colombie, le Brésil et le Chili.

Enfin, l’Indonésie a pris la parole au nom du groupe des « pays sympathisants ». Elle a rappelé que les objectifs ont été de créer une perspective commune visant à faire progresser l’accord au sein de la CIG ; voyant que le sujet des RG est en retard, elle a d’ailleurs proposé un texte dans le but de faciliter l’évolution de ce projet et par la même occasion aider les facilitateurs dans ce travail. Elle a souligné ensuite qu’il était tout aussi important que les membres montrent une certaine souplesse, afin d’aboutir à un accord solide. Enfin et en bref, l’Indonésie a énuméré une liste d’éléments pour lesquels elle est favorable, à savoir une conférence diplomatique en 2013, le renouvellement du mandat, un nombre suffisant de sessions extraordinaires, et la mise en place d’un groupe de travail efficace. Se sont ralliés aux déclarations de ce groupe le Yémen, la Namibie, la Malaisie, la Colombie, l’Egypte, le Brésil, l’Angola, le Bangladesh, le Maroc, le Zimbabwe et la Zambie.

Le travail du comité est loin d’être terminé, et ce même pour cette réunion. Les délégués doivent aujourd’hui et demain essayer de trouver des compromis afin d’aboutir à un accord et définir les prochaines étapes du travail. Alors que certains Etats sont conciliants, d’autres ne sont pas prêts à céder du leste, ce qui, d’une part, accroit les tensions, et d’autre part diminue les chances de tomber d’accord sur un texte efficace et intelligible. Le comité est donc sur la bonne voie, mais son chemin est encore long.

Uncategorized